Ther's still a little place for a story teller...

T'as l'air de rien comme ça. D'une ado paumée, peut-être..? Ouai, coincée entre deux âges, c'est tout à fait ça. Emmitouflée dans une veste défoncée à l'odeur d'herbacée, trop grande, trop masculine pour une petite tige comme toi..et sans doute pas mal âgée aussi. Suffit de voir le col élimé que tu remontes contre tes pommettes saillantes mais aussi douces et poudrées qu'une houppette de lady. Y'a pas de capuche, c'est sûrement un manque pour les nuits froides ..heureusement que t'as ta crinière châtain et ses reflet de bronze doré,pour te protéger la nuque..autrement, qui sait quelle maladie pourrait faire fleurir de pétales pourpres les lèvres pleines et rebondies que tu frottes contre les peluches de ton tissus.


Tu t’engonce davantage, ramenant tes mains enfantines dans les manches trouées, et frottant ton nez de lutin contre la seule source de chaleur qui te coupe du froid. Il ne reste plus que tes yeux clairs, parcourant les ombres et les recoins, aux aguets et presque inquiets. Des yeux trop grands pour ton âge, à l'expression à la fois trop jeune et trop grave.


Même en comparaison de ta silhouette, ils paraissent trop vieux pou toi, t'es petite, fragile..un vrai moineau de parc de vieux. Des jambes fines,un cul de souris, des hanches arrondies mais étroites..le tout moulé dans un pantalon noir qui , tout autant que le reste, à connu des jours meilleurs. C'est toi et tes petits seins qui apportent la fraîcheur de la tenue,une jeunesse pas finie enveloppée d'un linceul de souvenirs que t'as plus , sous les traits d'une veste qui tombe en lambeaux.

T'es assise sur le tabouret de bar, tes pieds dans le vide. Un instant de flottement ou ton regard se perd dans la couleur ambrée de la bière offerte par un énième client devant la pauvre mignonne à la frimousse d'ange égaré. T'es là pour ça de toute façons, de la chaleur, et assez de gentillesse pour que tu ne meurs de faim ou de soif. Un sorte de profit passif récompensé de mots polis et de sourires tendres .


Tu frémis, te blottis contre ta veste en enfouissant un instant le nez contre le tissus à l'odeur particulière, à la recherches des vains souvenirs à laquelle tu voudrais te raccrocher, donner un sens à ton existence muette et discrète, empreinte d'une douce politesse.
Une ombre est déjà morte..n'a plus de vie,plus d'amis, dans ton cas..alors tu restes dans ton coin, profitant de l'anonymat des lieux de rencontre pour survivre.
Quand on t'appelle, tu te redresse, souris, supporte les mauvais jeu de mot sur ton nom avec élégance, accepte la clope, le joint qu'on se propose, et rejoins les danseurs dans une transe semi hypnotique de perdition et de résignement.


Tu te laisse porter, pragmatique, comme une silhouette éthérée, une présence qui passe, dansant quelques instants d’éternité, pour finir par rejoindre l’extérieur froid et vide de la ruelle. Respirer un peu, regarder le ciel en espérant un jour, pouvoir y voler . Tu allumes une nouvelle cigarette, observant la lueur rougeoyante le temps de la caler entre tes lèvres gonflées, avant de relever les yeux vers le ciel, le cœur serré d'une empreinte de nostalgie qui se dissipe au travers du nuage de fumée échappant de tes narines...un mirage..une simple histoire..

Tu connais ton histoire , Wendy ? Oui...mais est ce que tu t'en rappelle ?...
Elle n'est plus composée que de déjà-vu, d'impressions incrustées sur ta peau de belle môme, à la base pas encore femme, hybride sensuel entre l'innocence et la fatalité de la séduction d'une lolita


Tu sais pourquoi tu es douée avec les enfants ? T'avais deux frère,John et Michael, dont tu t'occupais..et puis d'autres, un peu...qui sait où ils sont désormais..peut-être encore au ciel, dans un univers diffèrent de tes parents, emportés par la noire tourmente d'une époque révolue et enterrée dans des sous sols cachés et méconnus. Des fois, tu relèves encore les yeux, espérant voir tu ne sait quoi..ou revoir une silhouette traverser les nuages, pour disparaître dans les horizons de Nainvertland.

C'était toi, la silhouette...passée par dessus bord par jalousie, traversant l'atmosphère en un cri devenu muet avant l'impact qui te fis tout oublier, tout perdre...Quand tu t'es réveillée, ton cerveau venait d'être javellisée par la mort, te laissant douloureusement recroquevillé dans les seuls vestiges de cette vie, tes vêtements, et sa veste. Tu t'lèves, titubes, la gorge sèche et la tête vide, tu marches, t'enfonçant dans la ville. Un joli brin d'adolescente qui se balade la nuit, èrre dans les rues. T'as faim, t'as soif, et un soir de gorge sèche, t'en viens même à céder à l'une des fioles perdues du Cheshire, te rendant complètement inaccessible à ton ancien bourreau, enfermant tes 14 ans éternels dans une carrure à peine plus grande,toujours aussi fragile, mais adulte. C'était prévus de toute façons. Wendy Moira Darling, tu grandiras. C'est ainsi.. « Tu vois bien que tu ne peux pas voler ».
C'est évident , voyons.




Tu passes tes nuits dans les ruelles, les bars, désœuvrée, perdue, une enfant grandie qui à égaré son droit à l'innocence, te confiant pleinement aux foules d'anonymes qui viennent perdre leurs esprits sous les drogues, les alcools et les musiques hypnotiques..déhanchant lentement ton corps d'enfant,t'oubliant et te réinventant dans un brouillard, une mélasse de souvenirs ineptes,aussi immatériels que la fumée qui se prélassent ci et là dans tes poumons minuscules. C'est comme ça, c'est l'histoire..on peut pas toujours rester enfant.