Tu étais fier. Ta posture était droite, et tu ne souffrais point du soleil qui tapais sur tes longs cheveux d’ébène aux reflet d’or rouge, ni sur ta peau de bronze. Tes pieds ne souffraient pas de la sécheresse du sol et de la rudesse du travail. Tu étais petit, mais tu te tenais avec orgueil, suffisamment pour que ton entourage te crois grand. Tes mains longues étaient asséchées par le travail mais fortes, sures d’elles et habiles. Tu rayonnais, un grand sourire malicieux ornant tes lèvres sombres , et tes yeux noirs luisant sous le soleil de feu de ces terres avares. Même lui te trouvait particulièrement beau, alors qu’à ces yeux, tout avait grâce.

Mais bien sur, tu lui a obéit, et tout à changé,finissant par t'ôter la vie..Tels l’ange déchu de l’ancien testament, tu as vu ton corps changer. Ta peau s’est grisée, satinée et lissée, perdant la noblesse du labeur dont tu étais fier, sa couleur de soleil et de chaleur..tes yeux ont pris la couleur des flammes et du mal, se gorgeant du jaune du venin, et de l’améthyste des sorciers, l’anneau du bœuf et les appendices du serpents ont percés ta peau...des griffes et des crocs ont remplacé tes attributs humains, puis finirent sur ton crâne, par pousser les cornes du diable, symbole de ton ignoble trahison.  Tu es seul coupable de ta transformation, mais tu l’ignores. Tu t’es enterré dans des images de culpabilité, de démons et de torts et travers. C’est l'apparence que t'as fait revêtir ta plus grande obsession, persuadé d'être un démon à ta place en Enfer ...pas celle à laquelle t'aurais condamné le jugement divin..

Oh que oui, tu étais fier, ne le diras t-on jamais assez..tu marchais à ses cotés en usant de jeux de mots et de pitreries pour lui arracher un sourire dont tu avais tant besoin. Et tu étais loyal, ce jusque suivre ses ordres aveuglément. Comme tu regrettes d’avoir suivi ce dernier. La naïveté t’a fais croire que tout se passerait bien, cet aspect de toi à toujours voir le positif partout, à aimer passionnément sans te soucier des risques, faire confiance, sans te soucier des à-priori et des quand diras-t’on.
Mais c’étais décidément un mauvais choix, et te voilà, emplis de psychose, à ressasser un passé dont tu ne te rappelles même plus. Ne reste en ta carcasse soumise qu’un long spectre de culpabilité et de compassion. Tu es doux, Trenta, sans doute trop pour rester sain dans le monde d’aujourd’hui. Désormais, tu te forces pour sortir tes plaisanteries, et tu as appris à réfléchir, mais tes défauts sont bien ancrés en toi. Tu es influençable, sombre, toujours à douter de ce qui se trouve autour de toi. L’Enfer où tu mérites ta place, où tout ceux autours de toi ne sont que des figurants là pour te faire bienheureusement souffrir, afin d’expier ta faute ? Ou encore des gens qui ont commis la même chose ? Tu ne sais plus, et tu ne le saura sans doute jamais..L’intelligence et ton don avec les chiffres sont sans doute la chose qui se rapproche le plus du rationnel qui flotte dans ton cerveau grisée, parmis ta paranoïa, ta soumission et ta gentille candeur compassionnelle. Tu es un idiot, Judas.

Ton histoire n’a jamais été accepté, ni par tes « amis », ni par les grands ordres, ni par ton esprit. Mais même s’il refuse de l’écouter, c’est ce qui s’est passé. C’est le soleil, qui t’as vu naître, humble, mais brillant, et intelligent, et c’est ce soleil qui t’a vu grandir. Tu n’as pas l’histoire, ni l’étoffe, d’un roi ou d’un empereur, ou la bourse d’un grand inventeur. Ton enfance était aussi sauvage que celle des chèvres que tu poursuivais , jusque le jour où tu l’a rencontré et fut aveuglé par son éclat. Vous étiez 13. Il parait que ce chiffre porte malheur, tu sais ? Pour toi en tout cas, ce ne fut pas le plus heureux des choix.

Miracle, bonté, discutions idylliques et idylle aventure, le bonheur parfait, non ? Même si vous provoquiez l’agitation, tu ne voyais que le coté euphorisant de la chose, jusqu’à sa demande. Enfin, plutôt après que tu ais obéit à cette demande,en serrant une bourse dans tes doigts tremblants.
Ça n’était pas le premier baiser, et celui-ci avait pour but de le montrer aux yeux de ceux contre qui vous le protégiez. Il voulait ainsi être présenté, puis être reconnu comme chef politique et religieux, ainsi, pensais-tu, il aurait sa légitimité et tout irait pour le mieux. Mais bien sur, rien n’en fût. Et tu ne pus jamais assister à son décès, puisqu’au même moment, tu choisis l’étreinte du chanvre sur ta gorge ensoleillé, t’arrachant toi-même ce souffle auquel il avait donné tant de vie.

Là, tu chus. Non pas en Enfer, comme ton esprit malade en est persuadé, mais à Wonderland. Comment le lapin a-t-il pu survivre à la suffocante chaleur qui a décomposé ton corps si rapidement que lorsqu’il s’est réveillé, tu n’étais déjà plus ,et la bourse tombée à tes pieds était déjà vide?
Aucune idée, mais à voir cet éclat blanc, tes yeux aveugles ont sans doute cru le revoir, lui, ou une colombe dont il s’était fait le symbole. Franchement, confondre un lapin et un oiseau, il faut vraiment être un idiot... Tu t’es retrouvé dans un bois,une forêt, dense, où toute ta vie s’est peu à peu inscrite sur la peau de ses arbres. C’est peut-être là que tu as oublié toute cette foutue histoire , non ? Avoue que ça t’arrange, de te persuader d’une damnation éternelle, tout en oubliant de souffrir de ce que tu as fais. Un genre de compromis en quelque sorte...

Tu marchais donc, toujours tout droit, ou en spirale, ou même en cercle, à te tenir la nuque, douloureuse à cause du kilos en plus qui se prenait dans les branches, ces cornes dont ta raison a essayé de t’affubler. Quand tu es arrivé dans cette espèce de ville pleine de..choses colorées..de créatures sans queue ni tête, ou trop de l’un et pas assez de l’autre, c’est une logique panique qui s’est emprise de ton esprit ralentie., te poussant à t’engouffrer dans la première porte venue, celle du magasin des suicides. Tu étais sans doute trop confus pour réaliser l’absurdité de la situation lorsque tes yeux ont accroché un papier parlant d’un poste à pourvoir, et tu t’es rappelé de ton talent avec les chiffres..alors quitte à vivre dans cet enfer, autant se rattacher du peu que l’on connait, toi, le premier pendu de l’histoire.