Rouge. Si l'on est normalement constitué, c'est la première chose que l'on pense quand on voit Halloween. Que ce soit par ses habits où cette teinte est toujours prédominante, généralement mariée avec du blanc et du noir, ou par sa longue et flamboyante chevelure soigneusement entretenue, difficile de le louper. Et si vous arrivez à accomplir cette prouesse, il fera tout pour se faire remarquer, de toute manière. Des bijoux sont souvent parsemés ci et là, sur ses vêtements et/ou contre sa peau : un collier, quelques bagues, une chaine tombant de la ceinture sur sa jambe, un bracelet, et ses tenues sont, de manière générale, assez sophistiquées, si bien que se travestir est devenu un véritable passe-temps pour lui. Sa garde-robe (essentiellement rouge, si vous suivez) aurait de quoi faire pâlir pas mal de personnes, tant elle est complète. Précisons qu'en plus de cela, c'est un adepte des noeuds papillons.

Naturellement, il dégage une odeur de sucrerie qui change à chaque individu, pour être celle que la personne préfère et lui donner l'eau à la bouche. Une paire de lunettes (rouge, s'il y a vraiment besoin de le préciser) toujours sur le nez cache bien mal une paire d'yeux émeraudes. En-dessous, des lèvres souvent étirées en un sourire découvrent des dents de carnassier. Et de cette bouche sort une voix que beaucoup trouvent insupportable. Pas tant à cause du son de celle-ci, mais plutôt à cause de son attitude, de ce qui est dit, raconté. Dans sa démarche et sa gestuelle, Halloween peut aussi bien provoquer l'amusement que la peur, si ce n'est pas l'agacement qui vous gagne de prime abord. Et pour peu que vous ayez de jolies petites fesses, il pourrait presque se montrer charmeur.

Du moins, si sa particularité de Déjan'thé ne s'invite pas à la fête.
Quand il éternue, l'horreur commence. Sa taille diminuant de manière singulière d'un seul coup (pour atteindre un demi-mètre environ), il se retrouve nu comme un ver. Et encore, si ce n'était que cela. Non, le problème, c'est qu'il ne porte plus de rouge. Les cheveux de la poupée sont d'un noir de jais et le reste est d'un tissu couleur beige terne ayant déjà bien vécu. Quelques boutons décorent son torse. Quand il est seul, il parvient à garder son calme, mais quand quelqu'un le voit -ce qui arrive souvent, d'ailleurs- sous cette forme, il devient complètement hystérique, son côté narcissique prenant une sacrée claque. En général, il pique un sprint monstrueux pour se planquer derrière la première cachette qui s'offre à lui.

Prenez le temps de réfléchir cinq secondes. Pensez à quelque chose de relativement agaçant. Voilà, vous avez la première impression que vous allez connaitre en voyant Halloween la première fois. Sauf s'il veut se montrer charmeur, éventuellement. Avec ses manières extravagantes, son égocentrisme teinté de narcissisme à peine voilé et son côté un tantinet hystérique -un tantinet, vraiment, on vous promet-, l'envie de lui envoyer la main dans le visage peut démanger la paume. Capricieux, émotif, il est surtout un personnage qui a longtemps vécu dans la solitude et qui a besoin du regard des autres pour se sentir épanoui. Peu importe que le regard en question soit noir et qu'on veuille lui faire subir mille supplices -il aimerait probablement ça, de toute façon- : dès le moment où on le remarque, il se sent pleinement épanoui. Obsédé par le rouge -et obsédé tout court, d'ailleurs-, il aime se travestir et entretenir l'ambiguité, l'androgynie dans son physique.

Pour autant, le bougre n'a pas forcément un mauvais fond, surtout envers les personnes qui ont la patience nécessaire pour passer outre ses manières et l'apprécier. Ou celles qui sont assez loufoques pour le suivre dans ses délires et ses manies. Sans le laisser paraitre, il fait par exemple attention à chacun des membres de son cirque, car chaque employé est une partie, une pièce du puzzle qu'est le Dark Wood Circus, sa création.

Ce sont principalement les dix premières années de sa vie qui ont forgé le personnage qu'il est aujourd'hui. Peu connaissent son passé, marqué par la couleur ocre du sang, et ses facettes les moins reluisantes. Si le Dark Wood Circus peut commencer à devenir effrayant pour un voyageur s'y attardant trop, c'est en partie à cause de lui. Car si ses employés, ses attractions, font partie de son bébé, les éléments étrangers sont conviés à ne pas s'attarder plus que nécessaire. Non pas que la vie de l'invité soit en danger (quoique, certains sont décidément trop téméraires), mais il risque bien d'avoir la frousse de sa vie.

Halloween vit le jour -enfin, le plafond de la grotte, plutôt- dans les souterrains de Wonderland, au milieu de ce qui semblait être un cimetière de poupées. Eventrées, décapitées, démembrées, un spectacle pas spécialement réjouissant à voir à la lueur des quelques pierres luminescentes du dôme dans lequel il prit sa première inspiration. Si les humains, et probablement d'autres créatures, ne se souviennent pas de leurs premiers instants, voire de leurs premières années, ce ne fut pas le cas d'Halloween. Conscient dès la première seconde, il lui fallut quelques heures pour comprendre comment fonctionnait son corps de bambin. La marche, l'agilité des doigts, la respiration, la déglutition, le clignement des paupières. Autant de gestes simples, mécaniques, qu'il dut intégrer en très peu de temps. Sans parents, sans famille, il observa les corps autour de lui. La plupart des gens auraient qualifié cet emplacement de glauque. Mais pas le gamin aux cheveux couleur ocre. Après tout, qui qualifierait le lieu de ses premiers instants d'effrayant ?

Les souterrains étaient constitués de lieux aussi étranges que sauvages, avec une seule règle : celle du plus fort. Dédale de couloirs, de cavités, de pièges meurtriers, de tanières, ils abritaient même les ruines d'un monde si vieux qu'il en devenait mystérieux, même dans un univers aussi loufoque et irrationnel que Wonderland. Halloween s'y aventura, plusieurs fois. Repartant presque aussi vite qu'il n'arrivait. Les entrailles de la terre étaient peut-être dangereueses, mais ce qui restait de l'ancien monde l'était encore plus. Pour survivre durant ses premières années, le jeune garçon, qui grandissait à une vitesse faramineuse, dut user de stratagèmes, d'alliances, de traitrises et de coups dans le dos. Plusieurs fois, le rouge de ses cheveux se mêla à celui du sang sur sa peau. Celui de ses proies ou le sien. Il garde encore quelques vilaines marques de ses ennemis les plus tenaces.

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