Gitaxias plongea sa main dans le ventre de son sujet. Du sang s'attacha directement à ses griffes de métal, tandis qu'il extirpait doucement les intestins. Il tenait difficilement son trésor, conscient que s'il s'y prenait mal, il risquait d'en sectionner une partie. Il enroula les tripes autour de son poignet, puis il continua de fouiller à l'intérieur des entrailles de son cobaye. Une forte odeur de sang imbibait ses murs, mais il ne pouvait pas le sentir. Ses sens s'arrêtaient à la vue, et à la douleur qu'il ressentait parfois, lors de ses expériences. Il arracha le cordon d'intestins, puis il les porta à la lumière d'une bougie, afin de mieux les observer. Ils étaient en parfait état de marche, Gitaxias pouvait donc se les attribuer. Les derniers avaient pourri lorsqu'il avait tenté d'ingérer de l'acide. Il se retourna, laissant le cadavre pourrir.
Un homme d'âge moyen, les vêtements en sang, mort d'une incision à la gorge. Il était plutôt enveloppé, assez du moins pour avoir une paire de seins. Gitaxias lui avait enlevé son pantalon, il avait étudié son appareil reproducteur tant qu'il fut plutôt vivant. Il avait manipulé son sexe comme s'il s'agissait d'un jouet. Il reposait toujours entre ses jambes, mais avec la peau abîmée, et griffée.
La créature se déplaça lourdement dans sa voiture, sa colonne vertébrale émettait un grincement désagréable. Il la redressa d'ailleurs, et il prit enfin toute son envergure. Un monstre de métal et d'organe de trois mètres cinquante, une face allongée pourvue de dents acérées, comme celle d'un requin. Gitaxias était toujours incapable de dire ce qu'il était, et ce qu'il serait. Il n'avait jamais vu un monstre lui ressemblant. Il avait cherché pourtant. Un semblable, capable de le comprendre, capable de l'informer de sa nature. Il ouvrit sa gueule, il plaça l'intestin, avant de changer d'avis. Non, il risquait de l'abîmer, et il pourrirait plus vite. Il s'étira de toute sa longueur, puis il laissa ses côtes s'ouvrir. Il raccorda l'intestin à ses autres organes, sentant le souvenir de la mort de l'ancien propriétaire revenir. Une douleur atroce explosa dans son ventre, il s'arrêta quelques secondes. Est-ce que dans ces moments-là, pouvait-il avoir une âme ? La douleur était purement humaine. Lorsqu'il termina l'opération, Gitaxias sentit la souffrance s'évacuer d'un coup. Du goudron coula entre ses jambes, tandis qu'il commençait à connaître son nouveau composant. La créature nota toutes ses impressions dans un carnet taché de sang.
« Remplacement du morceau numéro seize. »
Déclara-t-il à lui-même, inscrivant cet instant dans son cerveau.
Désormais, Gitaxias avait le choix. Devait-il se débarrasser du corps ? Il n'avait plus aucune utilité, car l'homme était mort ; son âme s'était envolée. La machine se déplaça encore, il reprit sa forme initiale ; dans un grincement lourd, sa colonne se plia. Il redevint la machine bossue, cette enveloppe de ferraille dans laquelle il était né. Gitaxias observa le sexe du mort, puis il souleva le drap lui servant de pagne. Il n'y avait rien. De toute façon, il avait conscience qu'il ne pourrait pas se reproduire avec l'espèce humaine. Une femme n'était pas assez forte pour accueillir sa semence ; lorsqu'il avait essayé, elle était vite morte en criant de douleur. Il avait avalé du goudron, pensant que cela servirait de sperme, et il avait introduit sa gueule dans l'orifice de la femme. Elle s'était déchirée dans un râlement de souffrance, puis elle était morte, suite à l'hémorragie. Gitaxias se rappela d'essayer une autre méthode plus tard, et de faire l'acquisition du bon organe. Peut-être lui fallait-il celui d'une femme ?
Le géant de fer continua de marcher dans sa grande bibliothèque, il lisait les livres, et ses notes diverses. L'obscurité s'écrasait dans la pièce, englobant ses expériences, les cadavres, le sang. Le temps lui était long, il ne savait pas ce qu'était le sommeil. Il s'arrêta en tendant un bruit dans le couloir. Il hésita une seconde, avant de se décider d'ouvrir. Il ne savait pas exactement comment se comporter avec les humains. Il ne voyait que des cobayes, des sujets fascinants ; il voulait une âme. Il voulait comprendre ce qui en faisait toute la complexité. La porte s'ouvrit alors, et il arrêta son regard sur un inconnu. Gitaxias conserva le silence. Il n'était pas censé être ici, personne ne montait dans le train, à moindre d'y être invité. Peut-être aurait-il un nouveau sujet de recherche ?