Que s'empourprent les camélias...
Be merry my friend, be merry... And go round, and round.Sur la ronde des éléphants roses, sous le chapiteau pourpre ou autour de la croix, c'est la lune qui se perd sur les courbes de la terre, la valse folle du monde qui jamais ne s'arrêtera pour eux. Quelques notes s'élèvent du carrousel grinçant sous les pieds des enfants. Des rires qui s'élèvent, des sourires qui écorchent les visages de poupons, déformés par les maquillages de clowns tristes qui vont de paire avec l'occasion. Un papillon, un tigre... Des loups.
Un, deux, trois... Nous irons au bois... On la connaît tous la fin de l'histoire, la vraie, celle où vos tripes s'empoignent, celle qui vous file la nausée, qui laisse l'odeur âcre et les grumeaux remonter le long de vos conduits nasaux, cramer l'œsophage et la raison. Quand on se vomit à même les mots, qu'on voudrait s'immoler pour oublier, se laver le cerveau à l'acide.
Et quand malgré toi, t'avales et que tu laisses l'horreur gorger tes boyaux, envahir ton corps et s'y immiscer de délicieux frissons.Qu'elle est belle cette enfant, avec ses boucles brunes et ses cieux bleus à en crever, les crever, laisser ses humeurs glisser le long des doigts pour engluer vos bras. Ils la regardent tous, la parfaite Mary-Sue, sue, Mary... Le sang. Regardes les yeux envieux t'ôter mille-et-une fois la vie, te caresser jusqu'à t'arracher la chair, déchirer tes nerfs de leurs rires déments. Que tu es belle, Mary... Sans tes mortels apparats, que tu es belle quand coup après coup ta peau se colore de leurs vices et nous offre tous ses délices...
Mary, Mary, Merry... Ô douce litanie ! Tournez, enfants, jouez du violon sur ses cordes vocales, tirez-lui les plus beaux sons, ceux qui résonnent à l'âme, comme des lames de rasoir. Faites craquer les os, faites vôtres les parts les plus intimes dans un doux désir de possession. Parez vos dents, portez sa beauté en ornement, sa belle indécence en couronnement de votre malsaine innocence. Gardez vos failles hautes, les Hautefaye de votre humanité en trophée, carnaval de boyaux de pensées. Des hauts et des bas sur le manège de vos esprits horriblement humains. Que claque l'émail sur les ossements !
Mangez-la si vous voulez... Car moi, j'en reprends une part...Graisse mes tartines, enfant, que dans ton ventre rondelet s'agitent les vers qui pondent leurs oeufs batârds dans tes trompes trop étroites. Qu'en coule une crème épaisse et que s'en dégage l'odeur entêtante de l'ammoniaque comme une fleur qui éclos dans un bain de sang. Cette chère tendre qui s'empoigne, qui se tord et se décolle si aisément ! Prennez-la! Croquez la vie à pleines dents. Une chair sans péchés, si pure, si tendre... Laissez-vous tenter, enfants... Observez sa candeur, délectez-vous de sa douceur.
Qu'elle est triste ta beauté, enfant.Un éclat dans la nuit déchirée par un cri. Sur ton passage même les camélias s'empourprent, sang pourpre, rouge, épais, des fleurs qui se fanent dans un dernier éclat... Et qu'il est beau ce monde, qui écorchera ta gueule d'ange de démence. Tu seras sale, bien plus encore que les corps collés aux membres torturés et trop nombreux dont tu t'écartes avec effroi, pire que les rats savants et les chimères rafistolées au crochet. Tu quittes le cirque, mais comme la lèpre au corps, il te colle à l'âme. Ce que tu as vu te hante, comme les idées démentes que j'y ai glissées. Que tu seras belle dans ta laideur, Mary...
Ô Marie... Si tu savais... Comme ton fils hurles sur sa croix, comme Prométhée et son aigle, à ce jour encore des milliards d'oiseaux lui picorent le corps et s'abreuvent de son sang. Il hurle et toi, tu détournes le regard.
Ils auraient pu en faire des tourtes...Parfois tu es pire que moi...Mon regard caresse un instant son dos trop étroit qui se voûte lentement et que j'imagine encore se tordre sur cette poitrine impudique de prépubère... S'humidifier lentement, son regard se voile d'un théâtre d'ombres maccabres qui tordent et torturent sa rétine, déformant sa réalité. Sa main se perd entre les doigts trop grands et imposants de son père, se crispent sous l'agacement. Un frisson me parcourt l'échine alors que les craquements me font vibrer l'être. Ma langue Méphitique se glisse lentement sur mes lèvres purpurines frétillant doucement à la perspective de voir cette fleur éclore et gangréner toute une vie laissant derrière elle les débris d'une ogive nucléaire.
Mary, oh Mary... Oh, oh... Envoie-moi au ciel, laisse-moi m'élever sur les âmes que tu détruis... Ô douce enfant, libère-toi de la camisole castratrice imposée par les coutumes... Montre-moi, jusqu'où tu porteras cette graine... Je veux voir le champignon qui s'érigera, se dressant fièrement comme un majeur au ciel...
Quelle tête feras-tu? Mais ici tu n'es plus rien, privé de ta vue, l'omniprésence brisée de la toute puissance... Sans ton regard pesant sur mes épaules, je me sens parfois si seule.
Je m'ennuie.À qui le tour? Le pieu dans le four? Non. Trop gras. La femme à barbe tondue? Ou bien pendue? Qui donc? Le sourire aux lèvres, mes longs fils hématome s'agitant autour de mes courbes ondulant à l'image d'un serpent, je me glisse entre les âmes en peine. Que cet endroit peut sembler triste, parfois. C'est ce que je préfère, voir les artistes pleurer leur gloire d'antan, en être réduit à guider les pauvres hères à travers le parc, et parfois jusqu'en enfer. Une vie qui s'éteint à même les crocs, qui glisse le long du gosier, qui emplit d'extase un instant et puis s'écrase.
Comme une merde d'éléphant.Mes rubis glissent jusqu'au corps à trois trompes de l'animal en question. Les excroissances douteuses s'agitent comme des tentacules s'élevant en maestro d'une sonate énonciatrice des pires malheurs, puissantes, elles pourraient balayer un corps et éclater les os d'un seul mouvement, n'en laissant que des débris d'existence. Et pourtant, il est là, las et inerte, observant les grotesques figures se coller aux barrières, les flashs colorés des manèges grossissant leurs traits, une orgie de couleur étouffant et étranglant les passants, leur brouillant la vue ne laissant plus que leurs démons danser dans leurs esprits. Un peu comme si l'endroit respirait et pouvait à tout moment se lever pour danser la gigue écrasant sous les carrousels les animaux domestiques, laissant les miroirs éclater, vomir les reflets et les laisser déchirer les muscles des originaux.
La foule s'agiterait, se perdrait dans des allers et venues lascifs. Cohésion dans l'horreur.D'un pas léger, je m'écarte de la barricade, mon regard revenant à la foule, à ces corps qui se mêlent et s'échauffent, se rentrent dedans... J'en alpague un au hasard, lui tirant ma révérence - avant de lui faire tirer la sienne... Gnihihi... - et je lui offre mon plus beau sourire, celui qui est doux, qui donne envie de le déchirer jusqu'aux oreilles et d'en voir toujours plus.
Oh... Halloween... Je vais finir par casser tous tes jouets si tu ne rentres pas rapidement, tu auras des tourtes à ne plus savoir qu'en faire... Et les éléphants se rempliront la panse jusqu'à recouvrir les murs.- Vous m'avez l'air égaré, bel ange... Accorderiez-vous l'honneur au pauvre diable que je suis d'être votre guide dans ce manège infernal? -
Je ricane doucement, me redressant, mon regard brillant de malice et mes cheveux s'agitant autour de mon visage comme si la nature elle-même hurlait à mon nouveau jouet de tourner les talons. Mes lèvres se pincent délicatement alors que mes doigts fins viennent enfermer les pans aériens de ma robe semi-transparente dévoilant ma poitrine généreuse. A toi bel étranger... Qui que tu sois, aujourd'hui, tu seras mien, on finira l'un contre l'être à s'en faire cramer le squelette et s'en calciner la raison. Joues avec moi, tendre enfant, dévoiles-moi tes vices, laisses-moi m'en gaver à me lasser de toi.