Et une deux trois, une deux trois...Des étagères à tes bras dégringole un arc-en-ciel de poussières d'idées. Brun, noir, jaune, et même parfois rouge, le savoir cascade du bois usé a toi. Les chevaliers affrontent les dragons sur les pages jaunie par les années, les idéologies s'opposent et se rencontrent sur des synapses de papier, les thèses en suspens, les courants en attente d'un regard avide qui viendra relancer leur horloge.
Une deux trois.
C'est la valse des rêves jamais réalisés qui se glisse sur ton corps, la gigue fantasmagorique des auteurs qui t'observent du haut de leurs étagères, des esprits qui errent sur les flots sombres de marres littéraires. Mais tous ces récits ne sont rien sans lecteur, rien de plus que des pavés couverts de poussières que tu soulèves doucement et qui dansent dans les rais de lumière, lucioles de jour, mystiques déités qui enterrent les connaissances et alourdissent leur support.
Ton corps s'agite, tes courbes ondulent, serpentines, dansent comme les flammes de l'enfer, appellent vices et délices... Oh Lucifer! Douce poupée écorchée par tes pêchés, que tu es belle! Diablement belle. Tes longs fils violacés caressent le vide, comme les ailes brisées de ton bel ange. Ils se perdent, retrouvent ton corps, dans un tango qui repousse et attire rythme par la cadence de tes vernis noirs.
Claquent, claquent tes talons, et zig et zig et zag, la mort en cadence... Joue du violon sur les constellations de cognition, tire les synapses, et le temps qui s'alambique dans sa tortuosité. Tu foules du pied des débris de connaissance, piétines sans un regard les cadavres tant de fois éventrées par des regards sans envie dont les idées dégorgent malgré elles et marquent une génération de la souillure d'une diarrhée verbale réinterprétée au service de l'absurde.
La ronde grotesque d'un poison lyrique qui gangrène corps et esprit pour n'en laisser que des zombies, qui avancent, dévorent et contaminent, le déclin d'une nation pendue à même la plume, les mots qui résonnent à l'âme comme une lame qui déchire les neurones... Comme la plus douce des drogues... Tendres fantasmagories d'un monde meilleur.
Avale, dévore, tendre enfant, gobe les mots et les phrases, les paraphrases par lots de cent. La litote servante en masque du diable, l'anaphore courtisane qui marque la cadence de ses sombres démences, l'antiphrase marquise qui contemple et qui se fout des autres, les antithèses princières qui s'entrechoquent et le zeugma impérial qui domine ce tortueux chemin.
A la cours des maux, seul l'illogisme est roi. Qu'ils s'enfoncent et se gravent dans les tréfonds de ta pureté! Sois le mouton, laisse-moi être le berger, tirer tes ficelles, qu'elles serrent toujours plus ta chair, qu'elles la crament et la consument jusqu'à te sucer la moelle. Que les idées fusent, à brûler le papier. Qu'elles s'usent et s'écorchent d'un voile mensonger. Que les cierges s'embrasent, que la cire coule sur leurs espoirs brisés. Qu'elles se lèvent, les morbides fantaisies, masturbations mentales, qu'ils viennent divertir le diable de leur danse macabre, tout est éteint,
Chers Trésors...Ils aspiraient à la prospérité, mais le siècle nouveau écrase son prédécesseur et l'éteint sous un nouveau flot de larmes et d'inspirations torturées. Les romantiques se couchent sur les documentaires, les lumières s'éteignent sur des corps de bimbos. Tu laisses ta tour d'illusions s’effondrer sur la précédente, les couvertures de cuir étouffant un cri sur les précédentes. Tu recouvres le sol des sombres héros que tu as glissé dans les esprits, insipides créations qui se jugent et s'analysent.
Un carnaval de poussières, Eden de connaissances, toujours ambré de la même redondance. Tu t'écartes de ta tour de Babel, revient aux étagères obscurcies par le savoir, quelques livres pris en otage sans que tu daignes en lire le titre ou encore en juger la couleur. Tu reviens, tu balances, dardes de ton regard de braise les quelques insolents trônant au-dessus de toi. Tu voudrais les cramer, surtout le vert que tu juges d'un œil critique. Il est extrêmement laid. Bien plus que les pieux qui chantent l'éloge de l’Éternel bourreau... Ceux-là ont la décence de te faire rire et de puer l'hypocrisie.
Tu soupires, lasse de cette entreprise qui n'en finit pas, de caresser les auteurs à rebrousse poil pour leur tirer une réaction. Un nouveau tome s'ajoute à l’échafaudage de pages, à l’échafaud de la cohérence.
Quel joli feu ça ferait... Au bûcher, les sorcières, et à la croix, les Saints. Et demain tout sera reconstruit, un simple souffle de démence passager.
Oh mon cher ange... Ne vois-tu pas que Père était bien plus fou que moi? À aduler les imperfections des imparfaits qui s'agitent comme des mômes qu'on félicite par ce qu'ils ont appris à chier droit. Mischa... Tu es le seul fou, ici comme en enfer... Comme au paradis.Bloc après bloc, tu te construis une forteresse hermétique à la réalité. Oh, Lucifer... Que cherches-tu à fuir? Tu t'enterres sous les mythes... Les mites en compagnes et la naphtaline en opium. Le paradis du pauvre, du maudit. Diable, que tu es triste sans ton ange aux ailes brisées. Te voilà reine d'une marée noire d'idées, transcendant la déliquescence humaine.
Et ils ne sont plus là pour contempler ton œuvre.Ici le Père est Castor, le roi est mort, vive le roi...Si seulement c'était toi... Reine d'un nouvel enfer.
Bientôt, enfant... Bientôt je te bercerais sur ton trône, te balancerais plus bas et laisserais la foule se jeter sur son roi. Oh, doux Enfer, Lucifer, il te fait envie de ce trône, de fer, de sang.
Un pas qui retentit dans le néant. Un sourire qui s'étire sur tes lèvres purpurines alors que tes rubis se posent sur cette chère enfant. Qu'elle est belle, avec ses grands yeux et ses longs fils d'ébènes comme les ténèbres qui glissent sur une peau trop blême. On dirait une poupée, elle est à croquer tu ne trouves pas?
Le plus naturellement du monde, tu te tournes vers elle, abandonnant les quelques trésors que tu avais volés pour un nouveau butin. D'un geste lent et maîtrisé, tes doigts viennent recueillir la mèche trop longue qui s'impose dans ton champ de vision. Tu veux la voir entière, cette petite chose, la dévorer du regard... Et bien plus encore.
Tu t'approches, le corps oscillant dans sa robe de pureté, jupon de crêpe, voile blanc de dentelle. On aurait dit un ange, si tu n'avais pas l'enfer dans le regard. C'est un sourire tendre que tu lui adresses, courbant doucement l'échine devant la demoiselle.
- Bienvenue, Belle Enfant. Lucy, pour vous servir. Que puis-je pour vous?
Qu'il est serviable, le diable... Ta langue fourchue ne sait décidément que tromper... Mais après tout, tu n'as jamais dit que tu travaillais ici et avec le temps que tu y passes pour observer ton futur palais, c'est un peu comme si c'était le cas non?