Once upon a time...
L'asphalte écorchaient la peau nue de la plante de mes pieds tandis que je marchais à travers les ruelles sombres de Chicago. L'air frais ne faisait que me pousser à avancer plus vite tandis que la lueur maladive de la lune éclairait les cadavres de poubelles que je vidais de leur contenu en espérant y trouver de quoi me vêtir. Du haut de mes huit ans, je me sens déjà vieux, déjà responsable. Je dois trouver de quoi me nourrir, de quoi me protéger du froid, à la force de mes petits bras recouverts de marques blanches et noirs resultant courroux des badauds. Ce n'est pas une mince affaire, et j'y passe toutes mes journées, passant mes nuits à chercher un endroit sûr ou dormir. J'ai peur, continuellement, peur de ces personnes qui me refusent l'aumône mais me prendraient le peu que j'ai sans la moindre pitié, ceux qui me frappaient par simple plaisir ou sous l'effet de liqueurs, peur de ces monstres qui se tapissent dans les ombres, peur de l'Homme tout simplement, dans toute sa splendeur et son horreur, et je crains que cette terreur ne me soit jamais retirée. L'amour de parents aimants auraient pu soigner ce cœur brisé, si seulement j'en avais eu, mais j'étais né parmi les ordures, et irrémédiablement, je finis par en devenir une. Rien ne pourra me sauver, rien ne pourra me sortir de la fange. Je suis condamné à y vivre, condamné à y mourir.
Condamné.
Trois années s'écoulèrent, du moins je le supposais. Tous les jours se ressemblaient, aucun n'était différent, si ce n'était les jours passés sans manger ni boire et ceux ou je parvenais à trouver le sommeil, ceux où les alcooliques et les frustrés passaient ses nerfs sur l'enfant que j'étais. J'avais survécu jusqu'à un âge pubère, mais c'est en ce jour particulier que ma vie avait prit un tournant.
Je n'étais plus seul, le loup avait trouvé une meute, et il s'y complaisait. Qui aurait cru qu'un simple vol aurait pu m'être si bénéfique ? Aurais je croisé la route de Logan si nous ne traquions pas la même cible ? Et si Lelianna n'avait pas eu pitié de nous, nous aurait elle recueillit quelques temps ? Je ne le pensais pas, mais que ce fut le fruit du hasard ou du destin, cela m'importait guère, enfin quelque chose m'avait mit du baume au cœur, enfin les couleurs s'intensifièrent pour accompagner ma joie.
Pour la première fois de ma vie, je n'étais plus seul.
Qui peut dirent combien de temps nous vécurent ainsi, de vol et de cambriolages sans importance, qui pourtant nous valurent notre notoriété ? Je ne saurais le dire. Les violences n'avaient pas cessé, au point même que mes amis se refusaient à me laisser seul. Ils souhaitaient m'accompagner, tout le temps, j’appréciais le geste mais ils m'étouffaient un peu, c'est pourquoi je me promenais seul dans les rues de mon enfance, attendant patiemment la venue de l'aurore pour retrouver ceux qui étaient chers à mon cœur
Si j'avais su quelle erreur monumentale cela fut.
Un choc derrière la tête, un seul, et je vis le sol se rapprocher de mon faciès avant de plonger dans le néant.
A mon reveil, j'étais encadré par des hommes vêtus d'un uniforme aussi noir que la nuit. En face de moi, deux personnes vêtues de blancs m'observaient sous tous les angles, me forçaient à me déplacer, à bouger, à parler, attendant visiblement avec impatience un quelconque signe de ma part, quelque chose qui sortirait de l'ordinaire.
Mon appréhension ne m'avait pas quitté alors qu'en retrait, deux hommes discutaient d'une voix juste assez forte pour que je puisse les entendre
Les deux gardiens me soulèvent, me traînent tandis que je me débats en hurlant que l'on me laisse repartir. Mais rien n'y fait, leur poigne est ferme, trop pour un Scott encore adolescent, et avant que je ne puisse trouver un moyen de me défendre, me voici enfermé dans une pièce grise et sombre, dénuée de fenêtres, aux murs gris et ternes.
Sans que je ne puisse me retenir, je partis me nicher dans l'un des coins de ma cellule, mon visages dans mes mains tandis que je pleurais la perte d'une liberté qui me tenait tant à cœur.
Et alors que les bruits de pas résonnèrent de nouveau et que ma cellule s'ouvrir sur un geôlier au sourire macabre, mon cœur s’accéléra sous l'effet de la panique et de l’adrénaline.
Le cauchemar commençait.
Partie II : Le Gris
Blotti comme je le peux dans un angle du cachot, j'attends mon heure, espérant de toutes mes forces que personne ne viendra me chercher aujourd'hui. La lumière grisâtre s'infiltre partout, même dans ma peau. J'ai pensé à me tuer, mais je n'ai plus assez de force pour m'exploser le crane contre un mur ou pour me couper la langue avec les dents. Parfois un servant m'apporte de l'eau.
Je n'ai rien mangé depuis deux semaines.
Grincement de porte barrée de fer. Gonds rouillé. Ciel anthracite et froid glacial.
C'est ce que mon monde est devenu. Le trépas est partout comme une gangrène rongeant les couleurs et les formes, changeant chaque son en plainte ou en supplication. Les odeurs se sont presque toutes effacées. Ne reste que l'âcreté du sang et de l'humidité. Le pire est a venir.
Mon œil gonflé, les lésions qui recouvrent mon corps, mes muscles contractés sans cesse pour résister au gèle et aux tortures... J'ai mal et ce n'est rien à côté de ce qui m’attend.
Il a tenu à me prouver que ma vie ne valait rien, qu’elle n’avait jamais rien valu. Il aurait pu en finir avec moi tout de suite, mais il a préféré me montrer, à moi et à, tous qu'ils avaient eu tort d'espérer un jour, qu'ils mourraient ici, pour rien, que je ne me sauverai pas. Qu'aucun d'entre nous ne se sauverait. Il lui fallait détruire les âmes.
Un homme entre dans ma cellule et se dirige vers moi. Je ne réagis même pas, mon corps anesthésié, épuisé de leur foutu jeu malsain. Je ne me débats pas, toutes mes forces sont concentrées dans la haine. Chaque jour le même spectacle s’offrait à moi et pourtant, on ne s'y habitue pas. L'horreur reste toujours la même. Et cette pointe d'espoir qui fait plus mal que tout le reste, cette envie de crier, pas aujourd'hui, s'il vous plaît. Stop.
Ma vie était dure certes. Mais cette immobilité, cette défaite qui n'en finit jamais... Je n'en peux plus.
Le démon à faciès humain me traîne, je trébuche sur les escaliers de marbre, m'écorche les genoux, sent le contact froid des marches contre ma joue.
- Debout !Il suffirait peut-être que je reste là, sans bouger ? Peut-être qu'Il perdrait enfin patience, qu'il me tuerait. Rapidement. Que le saccage cesserait.
Un coup de pied dans mes côtes. Puis un deuxième. Je sens l’acidité de la bile emplir ma bouche. Un sifflement strident. Deux autres gardiens qui me soulèvent, me traînent. Ma cage thoracique racle contre les marches, mes poumons vont exploser sous la douleur et la pression. Ils ne me laisseront pas y échapper si facilement. Ils me garderont en vie, juste ce qu'il faut pour que je ne puisse pas m'y soustraire. Un jour, un maton m'avait tellement cogné que je ne pouvais pas garder les yeux ouverts. Ils m'ont réveillé plusieurs fois, pour que je ne perde rien de leur macabre spectacle. Je relève les genoux pour me remettre sur mes pieds.
J'avance dans le corridor. Je connais le nombre de pas nécessaire pour le traverser par cœur. Je sens la douleur qui commence à monter en moi, un vicieux poison qui ronge mon organisme. J'ai déjà envie de hurler.
Tuez moi.
Dans la cellule où ils viennent de m'installer, j’aperçois le Directeur Général. Il mange. Serein. Rien que la vue de la nourriture me retourne l'estomac. La nausée envahi mon corps. Les geôliers m'attachent sur une chaise en bois, toujours la même. J'y ai laissé des traces de griffures et de sang. Je suis placé au bout de la tablée, juste en face de mon bourreau. Tête à tête lointain. Comme pour un duel. Mais cela, il ne me l'accordera jamais. Il faut que je sois humilié jusqu'au bout.
Il s'essuie la bouche avec dignité, alors que sa compagnie quitte la pièce. J'ai peur, bordel. Je voudrais réussir à reprendre le contrôle, à ne plus me laisser atteindre. Mais l'épouvante vainc. Je me mords les joues pour ne pas gémir et gueuler de manière hystérique. Je ne sais déjà plus comment on respire. Cette scène je l'ai déjà trop vécue. Trop souvent.
Il se délecte. Je me liquéfie. Il fait mine de regarder ses notes puis redresse la tête en inspirant profondément. Une bonne bouffée d'air vicié.
« Faîtes les entrer. »Les montres reviennent, j'entends leurs pas. Mes lèvres tremblent. Ils surgissent.
Je ne les regarde pas. Mes yeux s'ancrent dans ceux de la condamnée qu'ils encadrent. Je le happe et mon cœur s'écroule.
« Eh bien eh bien, tu les connais, n'est ce pas ?Je ne trésaille même pas. Mes sourcils sont froncés. Je ne sais pas s'il sait ce qui m'attend. Les geôliers les conduisent au centre de la pièce, à égale distance entre le Directeur et moi. Je serre les poings.
Et puis il sourit. De son sale sourire figé, paralysé sur son visage pourtant amical et jovial au premier abord, qui suinte de machiavélisme à présent, comme si ce n’était qu’un simple amusement. C’est ainsi qu’il le voyait, un simple loisir. Je le sais car il le fait à chaque fois. Mais je ne lâche pas la femme des yeux. Je ne peux pas le faire.
Pourquoi … ne bougent t-ils pas ?
Pourquoi ne se débattent ils pas ?
Hey …
Je murmure leurs prénoms. Plusieurs fois. Je tire sur mes liens, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Je ne peux pas rester ainsi, je ne peux pas, je ne peux pas …
Je sens le monde s'effriter autour de moi.
Le corps glisse contre les dalles du carrelage jusqu'à cogner mes pieds. Ses yeux sont deux lacs morts. Je verse une larme, comme un enfant, je me mords l'intérieur des joues. Mes yeux se vident progressivement de toute substance, de toute vie, à son image. L'homme s'est rassis et a repris son dîner. Il a à peine daigné lever les yeux de son plat. Je ne me contente plus de murmures, je crie, je hurle à plein poumons. Les geôliers viennent pour me détacher, laissant le corps désarticulé au sol, sans même lui prêter attention. L'un d'eux écrase sa main par mégarde. J'entends les os se briser dans un craquement sinistre et un haut le cœur me traverse. Je n'ai plus rien à vomir, Je … Un flash.
Une lumière ecarlate, des cris, du rouge dans toute la pièce, sur tous les murs.
Un grognement plus fort que les autres.
« LE TEST EST TERMINÉ, MAITRISEZ LE, VITE »Mais je ne me laisse pas faire, je me débats de toutes mes forces, je sens des membres se briser sous l'impact des miens tandis qu'ils essayent de m'empêcher d'atteindre la jeune femme gisant au sol. Et lors qu’enfin je parvins à la prendre dans mes bras, faisant fi des corps je ne peux rien faire d'autre que de les secouer, encore. Mes larmes roulent sur mes joues, tombent sur les siennes, tandis que j'hurle son nom une dernière fois.
Une dernière fois avant de ressentir l'horrible impact sur ma nuque, pour la dernière fois.
Je me réveille sur le sol, en sueur et haletant, sans même distinguer la forme tremblotante au masque de lapin qui me fait face. Je regarde autour de moi, plusieurs fois, ne reconnaissant pas immédiatement les lieux. Il me faut plusieurs minutes pour reprendre mon calme l'esprit dans les vapes, ternit par l'obscurité. Je me relève doucement et m’assoit, chancelant, mes coudes sur mes genoux et ma tête entre mes mains. Pourquoi ? Pourquoi ces images me revenaient maintenant ? N'avais je pas déjà expié mes fautes ? N'avais je pas tout fait pour que, de là ou elle est à présent, ils soient fiers de moi ?
Je redresse doucement la tête et observe mes mains rendues humides par les larmes.
Je me fige brusquement lorsque je me rend compte que je ne parviens pas à me souvenir de leurs prénom. Je vois des yeux aussi bleus qu'un lac en hiver, des lèvres douces, des cheveux d'un noir profond. Mon cœur s’accélère dans ma poitrine tandis que je ressens le besoin de me frapper, de me détruire une fois de plus. Ma main tremblante se dirige vers ma poche, vers ce que j'ai réussis à soutirer aux gardes avant qu'ils ne m’achèvent, et attrape la poignée métallique de ce que je cherchais depuis le tout début. Sans attendre plus longtemps, je cale le canon contre ma tempe, avant de m'allonger sur le sol en fixant, dans le ciel, la lueur dérangeant de la lune rousse qui dominait les lieux.
Ce n'est qu'au bout de quelques bouffées que je parvins à refermer les paupières, à oublier ce rêve dérangeant, ces passages de ma vie que j'avais décidé d'oublier. Je me sentais coupable, la culpabilité me rongeait nuit et jour, mais tant que je parvenais à occulter ces souvenirs atroces, je parviendrais à conserver ma santé mentale. Tel était la puissance du déni.
Un petit sourire naît sur mes lèvres tandis qu'enfin, Morphée me prend dans ses bras et me fait oublier ce ballet funeste.
Le bruit du coup de feu résonne autour de nous.
C'est la valse des morts.