Senpaï... will be mine !
Notice me, Senpaï !
Quelque chose clochait.
Les branches du cerisier s'étendaient jusqu'au ciel, dans un étirement douloureux et muet. Les pétales formaient une couronne rose autour de ses ramures, et soufflés par le vent, ils tombaient à ses pieds. Oui quelque chose clochait.
La jeune fille avait les mains écarlates, pâteuses, et ses pieds étaient englués de sang. Les pétales étaient gonflés de rouge, ils semblaient morts autour d'elle. Et l'air continuait de passer entre les branches du cerisier, lui arrachant les dernières fleurs. Sa peau était recouverte d'une épaisse couche de carmin, de la peinture caillée qui avait servi à son tableau pourpre. Quelque part, elle avait toujours su que l'histoire se terminerait ainsi. Sa fresque arrivait à son terme, elle n'avait plus qu'à signer.
Le cerisier rougeoyait de sang, il s'abreuvait des cadavres tombés devant lui.
La paire de ciseaux était poisseuse.
Des cheveux blonds étaient collés sur les lames, elle les sentait pénétrer doucement sa chair. Elle eut un sourire, doux, furtif sur son visage blanc. Elle fit un pas, fébrile, puis un autre, en sentant la peine recouvrir son coeur. Oui... elle était...
Triste, et seule.
Où étaient-ils passés ? Pourquoi l'avaient-ils abandonné ? Que se passait-il ?
Le silence frappait dans ses tempes, diffus, c'était comme si elle pouvait ressentir ses pensées... passer à travers les synapses de son cerveau. Les fleurs de cerisier craquaient sous sa semelle, le sang émettrait un bruit bizarre, et son odeur recouvrait celle de l'arbre. Et l'arbre la jaugeait, immobile, gigantesque, elle... qui était seule, et triste.
C'était fini.
La jeune fille baissa la tête sur la paire de ciseaux, son sourire s'éteignait de seconde en seconde, il flétrissait. Finalement, il n'en resta qu'un vague souvenir sur ses lèvres, elle essuya le sang d'un revers de la main. Puis, elle fit un autre pas, il recula.
Quand elle reprit connaissance, ce n'était pas celui qu'elle aimait qui se tenait devant elle. Mais un démon.
Elle cligna des yeux, et elle retrouva l'image de son Senpaï. Devant lui, elle tomba à genoux ; des fleurs de cerisiers éclatèrent autour d'elle. En tremblant, elle toucha la joue humide de son Senpaï. Elle avait le souffle court, et pourtant, tristesse, sérénité se mêlaient dans son coeur. Elle rapprocha sa bouche rouge de la sienne, elle huma son parfum. Ah oui... enfin... il était à lui...
Et... comme si son existence était sur le point de s'endormir pour toujours, la jeune fille vit son passé remonter en arrière, comme la bande d'une cassette en vitesse x12. Elle voulait fermer les yeux, et se serrer contre lui, devenir lui... fusionnier avec sa chair.
« Je t... »
Depuis toujours... elle ne ressentait rien.
Ni joie, ni peine, ni colère. Elle n'était rien.
Une coquille vide, aussi futile qu'un pétale de cerisier tombant de son arbre.
Elle était pourtant née dans une famille normale : un père, une mère, un petit-frère bien plus vivant qu'elle. Tous les jours, sa vie se répétait, réglée comme du papier à musique. Elle se levait à 6h30, sortant d'un sommeil sans rêves. Elle se levait, elle s'habillait, et morne, elle saluait sa mère. Celle-ci était toujours la première à être levée ; elle avait le dos tourné, et sans même un coup d'oeil pour elle, elle l'encourageait à prendre un repas un peu plus copieux. Oui... l'odeur de banalité, celle du pain grillé, et de la pluie. Quand elle sortit, elle déploya son parapluie, et elle se rendit d'un pas tranquille au lycée. Le monde autour d'elle lui paraissait d'autant plus vide qu'elle n'avait pas de personnalité ; c'était comme si les maisons façonnant son paysage étaient en cartons, et ne possédaient rien. Lorsqu'elle regardait derrière elle, son foyer disparaissait dans un rideau blanc, moucheté par l'averse. Des larmes grises sur une toile immaculée.
Elle poussa un soupir, et elle reprit le chemin de son école. Déjà... autour d'elle les autres adolescents couraient, discutaient, ou riaient. Oui... elle était un individu à part, un pot de fleurs. Une ombre. Tellement insignifiante qu'on ne la remarquait pas, personne. Elle n'était personne.
Une créature virtuelle.
Mis à part des polygones, qu'est-ce qu'elle était de plus ?
Une adorable créature, son bébé, en quelque sorte. Du temps, des cendres de cigarettes, des nuits blanches ; tout un tas d'éléments. Il avait parfois la sensation de tenir un enfant entre ses bras, lorsqu'il la voyait évoluer dans son environnement. Un enfant sans expression, mais ce n'était pas grave ! C'était pour ça qu'il la chérissait. La cigarette coincée dans la bouche, il inspira un grand coup, tandis que son index tapotait sur la souris. Et s'il ajoutait une queue de cheval ? Il prit une feuille coincée sous son cendrier, et l'examina longuement, puis il compara la première version de Yandere-Chan à celle offerte sur son écran. Il fit la moue, et la feuille retomba. Si on ajoutait quelques détails ? Des mèches de cheveux pour encadrer son visage ?
Le souci avec le style manga, c'était que tout était limité, mais c'était suffisant pour donner vie. Elle clignait des yeux, s'il leur rajoutait des cils, elle ferait plus féminine... mais ce n'était pas tellement ce qu'il recherchait ; la féminité chez elle. Non, une âme complexe cachée sous un tas de polygones. Oui... avec une petite jupe plissée bleu-marine, des collants, et des chaussures marron, elle était adorable. Sa petite création... son enfant.
Un sourire orna ses lèvres.
Il posa sa cigarette dans le cendrier, puis il se pencha sur le côté pour choper une bouteille d'eau, et boire une gorgée. Ah... elle semblait si paisible sur cet écran-ci, en train d'attendre de vivre, et de bouger. Un regard vide, mais une bouche adorable ! C'était son enfant, sa tendre création... et il avait d'autres idées en tête. La nuit était bien avancée, bientôt, il verrait le soleil émerger à travers les rideaux de son bureau. Il avait mal dans les épaules, à force de se tenir pencher sur son ordinateur. Il fit craquer sa nuque, il la massa, puis il reprit son travail. A ses pieds traînait une ébauche de scénario, noirci de notes diverses. Elle s'était arrêtée à quelques pas de l'école, elle observait un oisillon tombé de son nid en train de se débattre avec la pluie. Elle releva légèrement le menton, avec un air méprisant ; trop faible pour survivre. Elle avait envie de l'écraser. Elle leva son pied dans un geste de haine et d'agacement pur. Peut-être que l'entendre piailler, tandis que sa semelle broierait ses ailes et son bec, lui ferait quelque chose. L'oisillon remuait, il tentait de voler, mais ses ailes râpaient le sol. L'ombre de la jeune fille l'enveloppait, il ne semblait pas comprendre ce qu'il se passait ; la mort serait rapide ? Pas si elle y allait doucement. Elle n'avait pas de raison particulière à le tuer, non... elle voulait...
Lui faire payer sa faiblesse.
Une goutte de pluie tomba sur sa chaussure, suivie d'une autre ; une note de piano pour sa mélancolie.
« Oh ! Le pauvre ! »
La jeune fille posa son pied au sol, elle tourna la tête en direction du garçon. Il s'était baissé pour ramasser l'oisillon, il était trempé. Au creux de ses paumes, la créature bougea, et continua de piailler. Mais qu'il se taise ! Songea-t-elle ! Pourquoi cet idiot...
« Je me demande où est son nid... »
Le garçon recula un peu, il abrita l'oisillon dans sa veste. Ce dernier tenta de lui donner un coup de bec, mais il se contenta de sourire. Et elle... elle ne bougeait pas. Le froid était en train de pénétrer ses os, son coeur, tandis que lui cherchait à remettre l'oiseau dans l'arbre. Il secoua les épaules, puis il tendit les bras vers la branche la plus proche. Il ne lui demanda pas son aide, et elle songea que c'était parce qu'elle était... totalement insignifiante. Dans une expression béate, elle l'étudia faire, il bataillait. Son pied glissait sur le tronc de l'arbre, cet imbécile risquait de se casser quelque chose. Toutefois, dès qu'il leva la main tenant l'oisillon, ce dernier s'envola soudain. Ses ailes frémirent sous la pluie, et plutôt que de rejoindre son nid, il disparut entre les branches de l'arbre.
« Ah... »
Fit le garçon, avec un sourire un peu crispé. La jeune fille ne bougeait pas.
Elle était froide, totalement froide. N'y avait-il jamais de chaleur dans sa poitrine ? Elle regarda le sol, et se pinça la lèvre ; sa proie lui avait échappé. Il retomba, et frotta ses jambes pleines de poussière, et d'écorce. Quel idiot... vraiment... Il releva la tête, et
Il la regarda.
Elle écarquilla les yeux, elle ouvrit la bouche, comme pour parler. Dans le froid de la pluie, contre le vent de la tempête, et... dans la mélancolie grise de son existence... elle sentit quelque chose. Il... était en train de lui sourire, avec gentillesse. Et... elle ne pouvait pas bouger. Surprise, elle continuait de le fixer, comme si... comme si pour la première fois, elle...
Frémit.
Le monde était en train de se retourner contre elle. Une bourrasque de vent plaqua ses cheveux mouillés contre sa nuque, elle rentra la tête dans les épaules. Elle avait froid, et chaud, en même temps. Elle... elle... c'était quoi, ce sentiment ?
« Bonne journée. »
Lui dit le garçon en ramassant son sac qu'il avait abandonné contre l'arbre. Et avec un dernier regard chaleureux, il rejoignit l'école. Elle le fixa disparaître au loin, sa main tremblait sur le parapluie. Elle mordit sa lèvre, elle toucha sa joue ; elle rougissait.
Senpaï l'avait remarqué.
Elle crut qu'elle vivait la vie d'un personnage de Shojo Manga, mais au lieu d'être une cruche qui passerait son temps à l'espionner, elle devint un monstre. Sa première rencontre avec ce garçon hanta ses pensées pendant des jours. Lorsqu'elle le pouvait, elle allait l'espionner ; souvent, il observait les cerisiers en fleurs, seul. Elle pensait alors qu'ils partageaient la même solitude, un sentiment réconfortant. Elle se mouillait les lèvres, son coeur battait fort dans sa poitrine. Il n'était pas le plus beau, il n'était pas le plus intelligent. Mais... il existait, et c'était suffisant. Il balayait la solitude de la jeune fille par sa simple présence, toutefois dès qu'elle prenait le courage de lui parler, ne serait-ce que pour le saluer, elle tremblait. Elle perdait ses moyens, et c'était comme si... elle n'avait jamais eu de voix.
Elle le ferait sien.
La joue enfoncée dans son poing, il émit un grognement de mécontentement. Ce n'était pas exactement ce qu'il voulait. Il reprit ses ébauches, il les relut, en songeant qu'il y avait plus gore comme mort, qu'il pouvait trouver quelque chose de plus horrible. C'était bizarre comment l'esprit humain avait de l'imagination, lorsqu'il s'agissait de détruire quelqu'un.... même s'il ne mettait pas le doigt sur ce qu'il voulait. Un meurtre violent ? Mais de quel type de violence ? Parce que découper un cadavre à la scie circulaire... c'était marrant, ça donnait un côté « PULP » au jeu, peut-être qu'il pourrait rajouter la musique de Kill Bill dès que Yandere-Chan croiserait le regard d'une rivale... ouais... ce n'était pas mal. Il allait rendre le meurtre de lycéennes drôles ! Cependant, il y avait bien un moyen pour rendre... la vie d'une gamine bien plus horrible que la mort, non ? Elle eut un autre sourire, lorsqu'elle posa sur sa table de nuit le pansement de Senpaï qu'elle avait ramassé. Elle s'agenouilla devant son temple, et elle contempla tous les objets qu'elle avait amassés pour son autel. La photo prise en cachette avec son téléphone portable, une pomme qui avait commencé à pourrir dans laquelle il avait mordu, sa brosse à dents — prise dans le vestiaire des garçons —, et le pansement qui maintenant allait rejoindre sa collection. Il y avait le sang délicieux de Senpaï dessus. Satisfaite, elle se releva, et salua la photo de Senpaï dans une rapide révérence. Elle descendit, et elle salua sa mère d'un ton plus enjoué. Mais celle-ci n'y prêta pas attention. Aujourd'hui, c'était un jour spécial.
« Dis ! Tu connais la rumeur ?
— Laquelle ?
— Celle qui raconte que si tu te confesses au garçon que tu aimes au pied du cerisier, un vendredi, il y répondra favorablement ?
— Ah... tu crois que...
— Oui ! »
Elle rentra la tête dans les épaules, tout en détaillant la gamine aux cheveux fushia — non mais c'était quoi cette couleur ??? — qui discutait avec l'autre pétasse. Kokona et... sa pote, elles sortaient du lot avec leurs énormes poitrines. La jeune fille toucha la sienne, toujours aussi plate. Elle grinça des dents, mais elle continuait de les écouter. Kokona serait sa première victime... mais elle ne lui réservait pas une mort violente, non, elle avait l'intention de pourrir son existence. Elle nota toutes les informations qu'elle trouva à son sujet ; au lieu de suivre Senpaï au moment du déjeuner, elle se cacha dans un coin, et elle espionna sa conversation avec sa meilleure amie.
Elle était terrifiée.
Senpaï ne pourrait pas aimer la fille qu'elle était. Elle n’était... rien, vide. Mais l'amour transformait ses moments de solitudes en moment de démence. Kokona était une ennemie, un oiseau à broyer avant qu'elle n'aille se déclarer à Senpaï le vendredi sous le cerisier. Elle poussa un soupir, et elle écouta.
« Depuis la mort de ma mère... quand mon père a trop bu, il vient se coucher dans ma chambre, et... »
Le silence plana quelque seconde. Yandere-Chan plissa le front ; elle ne comprenait pas la gravité de la situation. Elle s'en moquait. Elle se redressa, puis elle s'en alla, sans rien ajouter. Le lendemain, une rumeur courait comme quoi Kokona se prostituait, et couchait avec son père. Yandere admira son travail finement réalisé ; une fleur blanche sur le bureau de sa rivale, offerte par sa classe. Kokona resta interdite, elle porta sa main à sa bouche, horrifiée, mais elle se reprit. En silence, elle prit la fleur, et la déposa par terre. Elle s'assit.
Le lendemain, Kokona retrouva son pupitre noirci d'insultes :
« Pute »
« Crève ! »
« Sale chienne. »
« Salope ».
Et signé « de la part de la toute la classe. »
Yandere se tenait devant la classe, elle sourit devant la face déformée de Kokona. Ses camarades lui jetèrent des regards méprisants, et lorsqu'elle prit place, en tentant de garder la tête froide, on lui lança une boulette de papier. Elle émit un gémissement plaintif, et la boulette retomba au sol. Elle baissa la tête, la rentrant dans les épaules, et Yandere... songeait que maintenant, Senpaï ne pourrait pas aimer une fille comme elle. Aussi détestable, aussi perverse, au point de coucher avec son père ! La garce... oui...
La jalousie.
Kokona avait été populaire ; elle était jolie, malgré les deux énormes pies de vache, elle avait de bonnes notes... mais maintenant, Ayano s'était débrouillé pour la détruire. Lorsque la cloche sonna la fin de la journée, elle se dépêcha de retourner espionner Kokona. En silence, celle-ci était en train de se diriger aux toilettes. Elle avait les yeux gonflés par les larmes, remarqua Ayano lorsqu'elle la suivit. Elle la vit entrer dans un des cabinets, et elle comptait l'attendre. Toutefois, elle entendit des bruits de pas, et se cacha aussitôt ; elle ne voulait pas qu'on la surprenne en train d'épier Kokona. Un groupe de filles débarqua avec un seau, elles étaient en train de rire. Elles frappèrent à toutes les portes des cabines, jusqu'à entendre Kokona.
« Qu'est-ce que vous voulez ? »
Sans répondre, elles jetèrent du papier toilette dans le seau, elles le mélangèrent. Ensuite, elles soulevèrent le seau. Kokona demandait d'une voix tremblante :
« Qu'est-ce que...
— Un... deux... trois ! »
Et le seau se renversa sur la jeune fille. Ayano écarquilla les yeux, elle perçut un cri plaintif.
« Mais ! Non... non ! Arrêtez !
— Ça t'apprendra salope ! »
Cracha l'une des adolescentes en donnant un coup de pied dans la porte, ce qui la fit trembler. Yandere resta coincée dans l'obscurité, elle faisait comme à son habitude, elle observait sans intervenir. De toute façon, personne ne pouvait se douter qu'elle était à l'origine de ces persécutions, comment une simple rumeur balancée sur le net avait-elle pu faire de la vie de Kokona un tel drame ? C'était de la faute de cette vache à lait ! Elle n'avait qu'à ne plus approcher Senpaï ! Les filles continuaient de frapper la porte de la cabine, tout en remettant de l'eau dans le seau pour le balancer sur Kokona. Bientôt, les toilettes des filles ressemblaient à un champ de bataille, trempé et recouvert de papiers toilettes. Elles se mettaient à rire, dès que Kokona gémissait, ou les suppliait d'arrêter. Malgré tout, Yandere se demandait quand elles comptaient partir, si... elles continuaient de la martyriser, elle...
Elle allait manquer Senpaï et ne pourrait pas le suivre ! S'assurer qu'il soit rentré chez lui, en sécurité.
La jalousie.
« Tu devrais nourrir les chiens avec tes obus, pétasse !
— Qu'est-ce... »
Le groupe de fille se retourna. Le coeur d'Ayano s'arrêta de battre... non ! Que faisait-il ici ! Ce n'était pas prévu...
« Qu'est-ce que vous faites ? »
Reprit Senpaï d'une voix un peu plus forte, on lui aboya :
« Dégage ! T'as rien à faire dans les toilettes des filles ! »
Non... Senpaï... il ne devait pas se trouver là... qu'est-ce qu'il faisait ? Non... elles allaient lui faire du mal... à son Senpaï...
« Qu'est-ce que vous faites ? »
Répéta Senpaï... d'une voix plus forte. Ayano se crispa contre la porte de la cabine, elle ne savait pas quoi faire. Bon sang... si Senpaï apprenait qu'elle regardait depuis le début, il...
« Senpaï ? »
Fit la voix étranglée de Kokona. Ayano peinait à respirer, pourquoi ? Pourquoi ? Son cerveau fonctionnait en vitesse x12, elle cherchait une solution pour l'éloigner sans devoir se compromettre. Elle était assise sur les WC, les genoux contre sa poitrine. La tête dans les mains, elle angoissait. Senpaï... serait déçu. Elles allaient le...
« Je vais prévenir un professeur, décida le garçon en tournant les talons.
— Hé ! Non ! Non ! »
Ayano entendit leurs chaussures couiner sur le carrelage, elle attendit encore... elle poussa un soupir, puis en silence, elle sortit. Elle jeta un coup d'oeil à la cabine où Kokona était cachée ; elle reniflait, elle se plaignait d'une petite voix étranglée. Quelle truie ! C'était mérité ! Salope ! Vache à lait ! Elle sortit, et chercha Senpaï. Elle l'aperçut au détour d'un couloir, accompagné d'un professeur.
Le suicide... c'était une mort qui changeait un peu. Pousser quelqu'un au suicide, c'était une manière... plus cruelle que le meurtre simple, non ? Songea-t-il en écrasant sa cigarette dans le cendrier, elle rejoignait un véritable champ de bataille. L'odeur de la cigarette était mélangée à celle de sa sueur, et du vieux sandwich qu'il avait oublié de terminer. Avec un doux sourire aux lèvres, il examina le travail de Yandere-Chan. Son petit tas de polygones tant adoré ! Il avait envie de rajouter des coeurs à chacune de ses pensées, lorsqu'il se concentrait sur elle. Oui... pousser une élève au suicide, c'était une excellente élimination. Il passa la main dans ses cheveux, puis il reprit son travail. Autour de lui était éparpillés des dessins, où on pouvait la voir rire, sourire, épanouie et recouverte de sang. Une forme de tendresse formait les traits de son visage, comme si... elle prenait enfin de la profondeur ; la jalousie, la haine, des sentiments pleinement humains. Un démon... c'était un démon qu'elle avait devant elle.
Lorsqu'elle leva la tête vers le ciel, elle eut l'impression qu'il était pourpre. Aussi rouge que le sang sur ses vêtements, et sur ses mains. Rouge. Rouge d'amour, rouge de jalousie, rouge de vie. Elle se lécha les lèvres, recueillant le liquide écarlate qu'elle lui avait volé. Il était prostré contre le tronc de l'arbre, les yeux écarquillés, figés dans une horreur qu'elle ne pouvait pas nommer.
Ah... l'amour était rouge de sang, gorgé dans les pétales du cerisier.
Elle caressait son visage de sa main froide, son index effleura sa bouche. Son sourire revenait par moment, mais dès...
Que le démon apparaissait,
Il la quittait.
Elle voulut un baiser.
Rouge d'amour.
Rose de sang.
« Où est mon Senpaï ? Avez-vous vu mon Senpaï ? »
Elle était seule. Où était-il parti ? Pourquoi tout le monde l'avait abandonné ?
Lorsqu'elle se réveilla, Yandere-Chan était rouverte de sang. Perdue dans une ville austère, plus grise et noire que son monde, elle n'eut qu'une pensée : Senpaï ? Où était-il ? Oh... non... non.... elle se moquait de l'endroit où elle avait atterri, tout ce qu'elle voulait, c'était le retrouver ! Elle se leva, légèrement tremblante, ses membres étaient lourds. Le sang avait séché sur ses vêtements et son visage ; de loin, elle ressemblait à une apparition fantomatique, on aurait dit qu'elle était tombée dans une mare de sang. Elle passa les doigts dans ses cheveux noirs, tentant de les démêler comme elle le pouvait, puis elle les détacha en secouant la tête. Les mèches se collèrent à sa nuque moite, poisseuse de sang. Elle grinça des dents.
« Où est mon Senpaï ? »
On se contenta de lui jeter des coups d'oeil hostiles, elle était une étrangère. Si Senpaï la voyait dans cet état... il allait s'enfuir. Oui... elle voulait le revoir. Au bord des larmes, elle continua d'avancer dans les rues de Nain-Vert-Land. Le froid glaçait sa peau, le sang collé à son cou et son visage la démangeait. Elle voulait qu'il lui revienne ! Senpaï...
Sans repère, elle erra un bon moment. Triste, de nouveau seule.
De nouveau vide.
Un tas de polygones qui n'avait même pas de sang à l'intérieur de ses veines, qui n'avait pas la moindre chaleur humaine.
Qu'est-ce que c'était, cet endroit ? Yandere-Chan n'arrivait pas à comprendre. Comment était-elle arrivée ici ? Elle caressa son cou, à la recherche de la cicatrice, mais elle ne trouva rien ; sa peau était toujours aussi lisse. C'était comme si elle était tombée soudain dans un profond sommeil, et qu'elle venait de se réveiller. Elle marcha, sans but, dépossédé de son Senpaï. Elle frotta ses yeux, il lui manquait. Son petit monde avait été programmé pour vivre autour de lui, et sans lui pour la guider, Ayano ne voyait pas l'intérêt de vivre.
« Je veux qu'il... »
La prenne dans ses bras ? Non... le regarder lui suffisait. Elle avait besoin de lui.
Que s'est-il passé ? Comment avait-elle pu en arriver là ? Une mer de sang remplissait les couloirs de son école. Des cadavres jonchaient le sol, et un grand vide régnait dans son cerveau. Que s'était-il passé ? Où étaient-ils tous passés ? Pourquoi l'avaient-ils laissé seule ? Le dernier souvenir qu'elle avait en tête, c'était le cerisier où elle s'était réfugiée. Elle était tombée contre son tronc, les mains tremblantes, en songeant qu'elle était tellement fade et lâche qu'elle ne pouvait pas déclarer son amour à Senpaï. Elle s'était mise à pleurer, ses larmes avaient maculé ses mains, ses yeux avaient gonflé sous le chagrin. Elle l'aimait tellement ! Elle le désirait tellement ! Et pourtant... ce n'était pas elle qu'il regardait, ce n'était jamais à elle qu'il s'adressait.
Elle était invisible, inexistante.
« S...»
Elle avait levé la main en sa direction, réunissant toute son énergie pour le saluer. Mais Senpaï était passé devant elle, sans même lui accorder un regard. Il avait accordé son sourire à une autre fille. Elle se retourna lentement, le vent passait dans ses cheveux, se promenant devant ses yeux. Et elle l'avait vue, l'autre. Son coeur s'était glacé aussitôt. Non... Elle voulait qu'il...
« Senpaï ! »
Parvint-elle à crier.
Mais il ne se retourna toujours pas.
Elle écrasa dans sa main le pétale de cerisier. Personne... personne... si elle ne pouvait pas l'avoir, personne ne l'aurait ! Elle n'alla pas en cours. La colère avait enseveli son coeur sous une montagne de fleurs de cerises, leur odeur répandait en elle un poison. Elle n'avait pas l'intention de lutter. Elle émit un petit rire, désespéré, et elle fouilla dans les poches de sa jupe. Le démon le fixait, le démon l'encourageait. Prendre la paire de ciseaux... oui, et il n'aurait qu'à la regarder.
Il la remarquerait enfin.
Ayano ferma toutes les portes de son école, elle n'avait fait qu'à obéir aux ordres que le cerisier lui envoyait. Elle allait bientôt les rejoindre. Elle n'avait qu'à attendre, son professeur ne s'apercevrait même pas de son absence. Elle se planta devant la salle de classe de Sonoda. Elle tremblait, l'excitation grimpait dans ses veines, oui... elle pouvait retrouver cette extase, se sentir vivante à nouveau. Puis...
« Je vais confesser mon amour à... »
Et en poussant un cri de rage, Ayano brandit la paire de ciseaux. Elle poussa les autres idiotes, et la planta dans la gorge de Sonoda. Les lames se coincèrent dans sa chair, la pétasse émit un ronflement de douleur, son regard se figea dans la stupeur. Non... elle ne pouvait pas comprendre, personne ne pouvait comprendre. Elle retira la paire de ciseaux, et de nouveau, elle l'enfonça dans la gorge de sa rivale. Des cris fusèrent autour d'elle, mais dans sa tête, un silence serein régnait. La vue du sang lui donna des frissons, elle frappait encore et encore. Le rouge maculait le blanc de l'uniforme de Sonoda, il tachait son visage, et y dessinait des traits monstrueux. Elle eu un autre petit rire, nerveux, et lorsqu'elle se rendit pleinement compte de ce qu'elle venait de faire, et que le cadavre de Sonoda retomba au sol...
« Un démon !
— Elle est folle !
— Vite ! AU SECOURS ! »
Oh non... ils n'allaient pas s'en sortir aussi facilement ! Yandere attrapa une fille par les cheveux, elle tira de toutes ses forces en arrière, et en la plaquant au mur, elle perfora sa poitrine avec la paire de ciseaux.
« Parce que tuer est un art.
Les voilà qui courent, ces oisillons tombés du nid.
Ils croient pouvoir s'échapper, si ?
Mais la voilà, qui la paire de ciseaux à la main,
Les pourchasse sans se soucier du lendemain.
Et un coup dans la gorge ! Un autre dans le sein !
Une autre tombe dans les escaliers, et se brise les reins,
Une en moins, oui, une en moins !
Mais elle ne s'arrêtera pas là,
Non non... après tout, tuer est un art !
L'adrénaline court dans ses veines, c'est délicieux.
Elle s'en lèche les lèvres, le sang a un goût de framboise.
Elle court et file sur ses proies, elle en attrape une par le bout de la queue.
La pauvre allait se réfugier contre le tableau en ardoise.
ET BAM ! Sa tête éclate, une fois, deux fois, n'a-t-il jamais de fin ?
Un véritable massacre, tout le monde en parlera !
Elle pourrait faire un beau dessin
De cet holocauste, elle seule survivra.
Ainsi que son amour tant adoré,
Et de cet amour, elle se répand en sang,
Jalousie, haine, elle arrache des mèches dorées.
Voilà, salope, tu apprendras à ne plus le regarder.
Car il est à moi. »
Il était à elle et personne d'autre ne pourrait l'avoir elle se débrouillerait pour éliminer ses rivales elle tua et tua encore et encore le sang se répandait sur ses vêtements et bientôt elle fut habillée d'une robe écarlate l'école était plein de cadavres mais parfois lorsqu'elle tuait une fille la paire de ciseaux se coinçait dans son corps et elle mettait du temps la mort était alors lente et douloureuse elle la voyait agoniser longtemps et quelque part ça lui donnait du plaisir l'excitation endormait les pensées cohérentes dans sa tête et elle pouvait enfin exprimer sa cruauté.
ELLE MARCHA DANS CETTE MER DE SANG SEULE ET SEREINE
ELLE DEVAIT RETROUVER SENPAÏ
LE CERISIER AVAIT RAISON
alors elle courra dans les couloirs ses chaussures étaient collantes de sang elle laissait des traces de pas écarlates sur le sol Senpaï l'attendait sans doute c'était le moment pour le voir SON coeur BATTAIT à la CHAMADE elle n'en POUVAIT plus elle était GOURMANDE d'amour et de SANG elle en voulait TOUJOURS plus et dans sa TÊTE elle ne pensait pas aux CONSÉQUENCES elle ne savait pas combien de personnes ELLE avait TUES ni ce qui arriverait dès que la police serait arrivée
ELLE ÉTAIT UN TAS DE POLYGONES VIDE ET FADE
QuAnD eLlE aRivA dEvAnT luI eLlE sU qU'iL pOurRaIt AcCePteR sEs SeNtImEnTs
Il La ReGaRdAiT eNfIn
CoMmE lA pReMiÉrE fOiS
l'AmOuR éTaIt Un SeNtImEnT eXtRaOrDiNaIrE
ElLe ToUcHa Sa JoUe Et SoUriT
ElLe ApPrOcHa SeS lÉVrEs DeS sIeNnEs pOuR L'eMbRaSseR
LOADIIIIIIIIIIiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinnnnnnnnnnnnNg.
« Non ! Non ! »
S'exclama-t-il en crachant sa cigarette. Il toucha l'écran de son ordinateur, il le secoua même. Non... pas... ça ! Hors de question !
Un blue Screen effaça l'image de Yandere-Chan sur le point d'embrasser Senpaï.
Il secoua la tête, au bord du désespoir, et attendit. Non... tout mais pas ça !
L'ordinateur s'éteignit brusquement, et pendant une fraction de seconde, il pensa que tout était perdu. Toutefois, lorsqu'il redémarra, il se jeta sur son clavier. Sans lire le message d'erreur, il cliqua nerveusement jusqu'à arriver à l'écran d'accueil. Non... tout... mais pas ça ! Le jeu était sur le point de se terminer ! L'espoir était en train de le regagner quand... une fenêtre s'ouvrit.
« Bonjour, et merci.
Windows 10 va maintenant s'installer sur votre ordinateur. »
Quoi... ? C'était une blague ?
C'était vraiment comme ça que ça se finissait ?