Papounet 1, c'était trop le roi du bois, tu vois ? Pino, elle continue à apprécier son travail, malgré tout et à lui chanter louanges, même si elle ne se souvient pas de tout. Il lui a sculpté un visage tout rond de poupon, avec au centre, un nez petit et bouboule. Il lui a fait une petite bouche rosée de cire, des petites pommettes teintées de craies chaude. Ses yeux d'un marron chaud voient la vie en rose, ah ça oui, et de fines paupières bordées de longs et épais cils viennent balayer les poussières comme de braves essuie-glace. Elle a aussi un grand front sur lequel se baladent joyeusement une paire de sourcils. Sous sa longue et lourde chevelure auburn, Pino grave ses expressions sur son faciès de bois. Comment du bois est-il expressif ?

Et bien… l'explication est bien simple… c'est… :

Papounet 1 lui a fait aussi une taille moyenne et une petite carrure très fifille. Ses membres sont tout fins et ses articulations visibles sont un trésors d'ingéniosité pour s'articuler dans les bons sens. Il lui a donné des formes aussi, mais semble ne pas avoir bien statué sur l'âge à prendre. Une taille marquée d'ado, une poitrine oubliée de petite fille, des jambes un peu formées, des épaules étriquées…

Papounet 1, il était aussi foutrement mauvais en anatomie et en physique. Les proportions de Pino trahissent vite son appartenance à la création et non la conception. Une tête un peu trop grosse, des yeux un peu trop ronds, des jambes un peu trop longues. Rien qui s'agitent sous les plis de ses vêtements, pas de muscles, le malaise grandit instantanément en sa présence. Et puis tout est si fragile ! Le bois, c'est mignon, mais ça tient pas avec le temps. Un simple mouvement peut lui coûter un bras, dans le sens littéral du terme. Et c'est même pas le seul problème ! Son centre de gravité, il est précaire, tenir debout, c'est la vraie galère. Pinocchio se casse la gueule, pour un oui ou pour un non, pour un vêtement coincé, pour un cheveux emmêlé, pour cacher ses articulations car parfois, c'est un peu la honte, tu vois.

Et y'a eut les améliorations. À son réveil, elle n'entendait plus rien, alors, elle a de gros écouteurs qui font office d'oreilles. Elle y a mit des étoiles, tu vois, ça fait plus Girly, plus swag. On l'a renforcée de quelques vis et écrous, pour plus qu'elle sème ses membres comme des p'tits cailloux. Ça fait un cliquetis quand elle se déplace. Ça accompagne celui de sa poitrine. Pinocchio n'a pas de cœur à proprement parlé, plutôt un vieux coucou recyclé. Des engrenages qui s'agitent avec malice, faisant chanter un petit choc. Tic, tac, tic tac. Comme un battement de cœur mécanique.

Elle est en bois, tu vois, si tu n'en peu plus de l'entendre parler, ça servira à rien de l’étouffer : elle respire pas. La noyer ? Elle flotte. La brûler ? Elle ne sent pas la douleur, pas plus que la douceur. L'affamer ? Elle ne mange pas. C'est une gamine à moindre coût en fait. L'écarteler ? Elle le fait bien toute seule.
Faut être plus imaginatif. Les termites sont ses pires ennemis, l'humidité la fait rouiller, un choc peut casser la fine mécanique qui l'anime. Oh, et elle fera un bon feu de bois quand l'hiver viendra.

Pinocchio est en bois, et ça, ça s'oublie pas.

Papounet 1 devait pas être bien riche. Il a du la faire avec les affaires qui lui restait. Alors, sa tête, elle fut sculptée dans la serpillière car nom de Dieu, elle est con comme un balais.

Pinocchio ne comprend souvent rien à rien. Et si elle comprend quelque chose, alors, il y a de bonne chance pour que ce soit à côté de la plaque. L'éduquer relève de l'impossible et de toute façon, elle dit que c'est pas trop la peine, elle est jolie, elle s'en sortira ♥ Ou non, un tel mode de pensée lui assure un instinct de survie proche de celui d'un poisson hydrophobe.
Parce que Pinocchio n'a pas compris que le monde a changé. Quelque chose lui voilent les yeux et lui fais voir mille paillettes là où volent de mille poussières. Pourtant, elle est curieuse -assommante même- avec ses pourquoi, comment, qu'est-ce que. Elle ne comprend rien aux explications, par contre et se contente de hausser les épaules en riant de la féerie des lieux qu'elle croit encore voir.

Elle en tire un caractère optimiste, joyeux, affectueux et collant auprès des gens qu'elle aime et totalement écervelée. D'ailleurs, en général, elle aime tout le monde, sauf les gens méchants. Mais personne n'est méchant à Wonderland, pas vrai ? Elle essaye de rester calme en toute circonstance, sinon, elle se met à répéter les mots, à bégayer, et c'est trop la honte, tu vois ?
On pourrait la dire très Girly aussi, à aimer les choses mignonnes, faire des petits nœuds avec tout ce qui s’emmêle, aimer les stars de Pop (haaan, comment elle chante trotrotrop bien la petite sirène !) et tout ce qui s'en suit. Elle peut sembler de mauvaise foi, susceptible parfois, pourtant, son nez ne s'allonge pas : Pinocchio pense vraiment ce qu'elle dit ou fait.

Elle est bête, elle ne réfléchit pas mais a l'honnêteté de l'avouer. Pinocchio, pour une étrange raison, est d'une farouche honnêteté, disant toutes vérités, même si elle n'est pas bonne à dire. Peut-être parce qu'elle trouve les hypocrites pas gentils… ou peut-être juste qu'elle trouve qu'un nez long comme un décamètre, c'est trop disgracieux mon.dieu. Elle en mourrai trop, quoi !
Sa franchise vient aussi d'un sérieux soucis à savoir juger. La tête de bois ne sait pas juger les gens : un tel sera sans doute gentil car il sait faire de jolis lacets de chaussures, un autre sans doute très pauvre car ses cheveux sont très longs. Elle ne sait pas juger l'instant, arrivant parfois avec la grâce d'un bulldozer dans un champs de pâquerette quand il ne faudrait pas. Elle sait à peine juger le bien du mal, ne comprenant que très peu certains concept comme la douleur, la sensibilité, les pleures. Et l'empathie. Ah, l'empathie ! Pinocchio n'en a aucune, ou très peu, ou très mauvaise. Comptez sur elle pour mettre les pieds dans le plats, briser les romances ou sortir la bêtise qu'il faudrait précisément taire.

Elle est bête, Pinocchio, et elle le fait avec un sens du détail sans cesse étonnant. Mais on sent qu'elle ne le fait pas exprès, qu'elle tente de bien faire quand même et qu'il lui manque, tout au plus…

Un cerveau, sans doute. Oui, c'est ça, il lui manque juste de la jugeote. Dommage que ça ne s'achète pas dans le supermarché du coin.

« Alors, alors, que je raconte ! Il était une fois, dans un pays lointain… ah non, il était pas lointain puisque je vis encore dedans, hihi ! Alors, il était une fois, dans un pays magique et meeeerveilleux, un monsieur -mais alors !- vraiment très intelligent. Super méga supra intelligent, tu vois ? Mais il se sentait seul, alors, tadaaa ! Mon papa m'a crée ! »

Elle n'en sait plus rien en fait. Confond tout et mélange les genres. C'est flou dans sa tête, à Pinocchio. Est-ce que c'était un homme ou une femme ? Est-ce qu'il était seul ou étaient-ils deux ? Gepetto et la fée ? Ce n'est plus qu'une ombre dans sa tête. Elle y associe un homme car c'est un homme qui l'a réveillée de son long sommeil. Alors, c'est sans doute un homme qui l'a fabriquée. Logique ? Non.
Et ce n'est pas la solitude qui l'a poussé à agir, mais bel et bien l'ennui. L'ennui peut tuer, dit-on ; ici, l'ennui a créé. Ça a commencé par des petits pantins rigolos, pour amuser le temps qui passait si lentement dans ce monde où tout allait si bien. Puis il a fait, évolué, sculpté, c'était une personne géniale après tout. Il a voulu faire un automate qui le servirait et le suivrait. Peut-être aussi, qu'en plus de l'ennui, il y avait une histoire d'ego. Il y a eut des ratés. Il y a eut Pinocchio. Elle s'est agité. Et impensable, une âme s'y est logée, dans ce corps articulé.

« Et c'était troooop merveilleux, papounet 1, il était trop heureux de me voir et moi, je l'aimais trop trop trop ! Comme une fille qui aime son papa ! On s'est tout de suite adoré ! Et quand je me suis mise à parler, ça a été troptrop génial ! »

Car il fut fier de voir sa création s'animer de sa propre volonté. Peut-être un peu déçu qu'elle ne s'agite pas selon ses désirs à lui, mais hé ! Elle pourrait être sa création, perfection, le travail de sa vie ! Puis elle se mit à parler. Ah, ce fut bien dommage, ça. Ça gâcha sans doute tout, ça brisa sans doute sa fierté aussi. Un génie comme lui qui accouche d'une bêta comme elle ? Sans rire ?
L'ironie de la scène, il ne l'apprécia certainement pas et décida de l'éduquer comme il se doit. Il y arriverait, il en était certain.

Il disposait de tout le temps qu'il fallait pour y arriver. Et le temps passa, passa, passa. La dégénérescence gagna tout les esprits. La technologie évolua avec l'imagination et bientôt, l'enchantement se transforma en démence. Mais est-ce que Pinocchio le voyait ? Certainement pas. Son monde ne se composait que de papa.

« Il m'a apprit vachement de chose, mais -hihi !- je ne retenais rien du tout. C'est qu'il était génial mon Papounet 1, un peu trop génial, peut-être, il m'expliquait des trucs suuuper compliqués ! »

''Deux plus deux ?''

Il était à bout de nerfs, déjà, lui aussi, teinté d'une autre couleur que son original. Un peu moins merveilleux, tout aussi génial, un peu moins fier, tout autant d'ego. Il la regardait qui observait par la fenêtre, agitant ses jambes en rythme avec le tic tac de sa poitrine. Il claqua les mains devant la table pour rattraper son attention, elle le regardait alors, attentive. Il répèta la question. Elle posa son doigt sur ses lèvres, fronca les sourcils et leva les yeux. Il attendit, il espérait.

Elle haussa les épaules et se mit à sourire. ''Biiiiiin… Ça dépend deux et deux quoi !''

« Mais j'ai perdu mon papa, je sais pas pourquoi. Je sais plus-jesaisplus. Je me souviens pas qu'on se soit séparé-ré. J'espère qu'il va bien-bien-bien ! »

C'est ce qui fait que tout est si flou dans sa tête, plus elle cherche à se souvenir, plus elle bégaye. Il a baissé les bras, serré les dents, il a prit une arme et a mit fin à sa déchéance. Une balle qui passe par une oreille et sort par l'autre, comme tout les mots qu'il a prononcé, a-t-il pensé avec ironie. Elle s'est arrêté, est tombé, inerte, le regard vide et lui, il s'est débarrassé d'elle, s'est juré de refaire sa vie. Soulagé.

Il lui a épargné l'époque noire, vraiment, elle devrait lui être reconnaissante. Car sa vie à elle ne s'est pas envolée. Son âme s'est accroché, comme une moule à son rocher et de temps en temps, elle se réveillait, disait une absurdité.

''Ça dépend deux et deux quoi. Si c'est des hamsters, ça fait beaucoup beaucoup car les hamsters, ça fait plein d'autres hamsters, mais si c'est des hommes, ça fait rien du tout-rien du tout.''

Et elle se rendormait.

Et elle s'est réveillée, réparée, par Papounet 2. Lui, elle fera en sorte de pas le perdre, elle se le promet bien. C'est un homme, alors, elle assume que Papounet 1 en était un aussi. Mais tout est flou dans sa tête. Est-ce que ça ira mieux maintenant ? Vraiment ?

Touchons du bois.